L'Aiki et le Kiai - Partie 2
Suite à la
traduction de l’article de David Orange Jr. sur le Yoseikan, je vous propose
aujourd’hui une traduction d’un autre de ses articles, paru en décembre 1981
sur l’Aiki et le Kiai. La première partie peut être trouvée ici.
---------------------------------------------
Aiki-Kiai
La voie du milieu par David Orange, Jr.
Augé, chef instructeur du Yoseikan Budo au Canada et aux
Etats Unis, explique la balance dynamique du Kiai dans les arts martiaux :
« vous devez rencontrer votre adversaire avec vos poumons remplis
d’air, » dit-il. « Ainsi, vous serez remplis de puissance (ki) et
vous serez prêt a le rencontrer (ai). Lorsqu’il attaquera, il utilisera sa
respiration avec son mouvement. Vous devez sentir le niveau de sa respiration
et la dépasser légèrement. Ainsi, vous utiliserez suffisamment d’énergie pour
le dominer sans gâcher votre énergie. Si vos poumons sont pleins lorsqu’il
attaque et que vous utilisez votre souffle de façon régulière et continue avec
votre technique, vous serez capable d’agir pendant une longue période avec une
grande puissance. Vous serez capable de surmonter la force de votre adversaire
en passant à travers elle, parce que vous êtes aligné sur elle et que votre
endurance est supérieure. C’est le Kiai mais il n’a pas besoin de faire un
son »
Les facteurs importants du Kiai sont le timing, la force,
l’initiative et la respiration. Les positions relatives de ai et ki donnent un
aspect compétitif a l’action de correspondance du ki. De ce fait, le Kiai nécessite
en général une technique agressive pour s’exprimer pleinement.
Il est intéressant de noter que l’Aiki dépend aussi du
timing, de la force, de l’initiative et de la respiration. Cependant, puisque
ai est place au début du mot, ses implications sont l’harmonie et la non résistance.
Si le Kiai est la « rencontre des lames » dans
un sens d’opposition, alors l’Aiki consiste a eviter la lame adverse pour
neutraliser sa force.
En Aiki, le timing correspond parfaitement à celui des
actions adverses. Le mouvement a un souffle d’avance sur celui de l’attaquant
en sen-sen-no-sen (initiative supérieure). La respiration, encore, est régulière
et continue, elle s’accorde aux mouvements physiques. La respiration en Aiki,
comme pour le Kiai, est légèrement plus forte que celle de l’adversaire. Aiki
et Kiai nécessitent tous les deux une sensibilité fine à l’esprit et à la présence
de son adversaire. La force du mouvement Aiki doit dépasser celle de
l’adversaire, mais comme la force Aiki est exercée sur un vecteur via un
mouvement circulaire, moins d’efforts sont nécessaires pour une puissance
équivalente ou supérieure.
Augé rapporte, « le meilleur exemple d’Aiki dont
j’ai été témoin eut lieu sur une aire de jeux alors qu’un grand caïd bousculait
d’autres enfants. Il croisait ses bras sur sa poitrine et bam ! Il fonçait
sur les autres enfants et les bousculait durement. Il y avait un petit enfant,
et vous pouviez voir sur son visage qu’il était terrifié quand le grand garçon
lui fonça dessus. Il se laissa tomber au sol juste devant lui. Le grand garçon
était prêt a lui rentrer dedans, mais quand il arriva au point de contact, il
n’y avait plus rien et il chuta. C’était incroyable ! Le timing était
parfait et c’était complètement spontané et naturel. »
Comme l’Aiki, le Kiai est quelque chose de naturel. Il
fonctionne que vous ayez un mot pour le décrire ou pas. Le mot Aiki a été
inventé pour décrire cette condition naturelle, mais il faut mettre au crédit
des japonais d’avoir reconnu les facteurs communs qu’il partage avec le Kiai.
C’est juste un autre moyen de lier l’esprit et le mouvement.
Augé a vécu au Yoseikan Hombu Dojo à Shizuoka, Japon,
pendant plusieurs années et a étudié sous la direction de Minoru Mochizuki,
connu comme le plus ancien élève de Morihei Ueshiba à toujours pratiquer les arts martiaux. Cet
initié, proche de Ueshiba à ses débuts a rapporté de nombreuses et rares
informations à Augé.
Cela permet à Augé de déboulonner certains mythes qui donnent
à l’Aikido des airs de Carnaval qu’il ne mérite pas. L’une des incompréhensions
est sur la nature d’aiki nage (projeter
par le ki). Dans ce type de projection, aussi appelée kokyu nage, tous les éléments prennent leur place de façon si
fluide que l’attaquant est projeté par un simple contact ou une traction de la
part de Tori.
Augé explique, « beaucoup d’occidentaux pensent que
Ueshiba faisait aiki age ou kokyu age à volonté, qu’il était intouchable et
qu’il pouvait projeter n’importe qui, n’importe quand par aiki nage. Mais
Mochizuki dit qu’il était célèbre pour sa saisie comparable à un étau, et que
tout le monde savait que s’il vous attrapait, vous étiez fini. C’est pour cela
que quand il faisait les techniques, si le uke réalisait que le vieil homme
allait le saisir, la peur le faisait réagir et il se projetait plus ou moins lui-même.
Bien sûr, Ueshiba faisait parfois aiki nage, mais c’était quelque chose qui se
produisait juste au cours de l’entrainement. Kokyu nage n’est pas une technique
spécifique, mais une façon dont les techniques se produisent parfois. Les gens
voient dans des ouvrages sur l’Aïkido des photos de techniques et une légende
disant kokyu nage. Ils lisent que c’est projeter sans effort. Ils disent donc,
oh, je veux faire ca, et vont pratiquer la technique vue sur la photo. En réalité,
kokyu nage ou aiki nage peuvent se produire sur n’importe quelle technique.
Mais ça n’est pas quelque chose que vous pouvez faire à volonté. Vous pouvez
pratiquer une technique une centaine de fois et réaliser un seul kokyu nage.
Notre but est de nous entrainer avec sincérité et de grandir. C’est ça le Budo. »
Commentaires