Quand bourriner devient contre-productif



Après avoir été moi-même un bourrin pendant de nombreuses années, j’arrive à un moment dans ma pratique où non seulement j’essaie de ne plus travailler en force, mais surtout où la force exercée sur moi me semble plus désagréable que jamais.

A mon retour de Paris en avril, après quelques heures de travail sous la direction de Yannick et Leo, je me souviens du premier Sumi Otoshi de mon enseignant à Hong Kong. A l’opposé de ce que j’avais pu sentir au Kishinkan, j’ai ressenti une grande force musculaire qui me poussait aussi fort que possible. J’ai aussi senti que la seule raison que j’avais de tomber était qu’il était mon enseignant et que je ne pouvais donc pas décemment l’embarrasser. Pourtant dès que la force a été appliquée j’ai eu un double sentiment. D’abord que cette contrainte était désagréable et que mon corps et mon esprit n’aimaient pas ce qu’il se passait. Ensuite que cette force me retenait plus qu’elle ne me faisait chuter.

Tout en douceur


Cette situation s’est reproduite à plusieurs reprises, avec différentes personnes. A chaque fois, mon corps et mon esprit ne voulaient pas y aller, sentant un danger dans ce contact violent. Paradoxalement à chaque fois je ne me suis pas senti en danger dans le sens où je n’étais pas « pris ».

Le corps s’éduque, et les rencontres réalisées depuis un an m’ont fait comprendre de nombreuses choses, notamment que mettre une tension au point de contact est aisément perceptible et contrable, mais aussi que mettre la tension ailleurs peut permettre d’appliquer une technique à Uke sans qu’il la sente trop tôt, ou au contraire de sortir d’une technique reçue.

J’essaie d’enseigner dans ce sens car il me semble important de donner les clés à mes élèves pour qu’ils puissent progresser par eux-mêmes. Hier, nous avons travaillé deux techniques du bout des doigts pour que chacun puisse sentir que la force n’est pas l’essentiel, et qu’elle est au contraire souvent contre-productive.

La première défense fut un ushiro katate dori kubi shime (étranglement avec arm block). La tendance naturelle est de choper la gorge de son partenaire de toutes ses forces et de le tirer au sol. La réponse naturelle du partenaire à qui on essaie allègrement d’arracher la tête est de se raidir, rentrer la tête et ramener les bras. A moins d’un rapport de forces en faveur de Tori, l’action peut facilement tourner en faveur de l’un ou de l’autre. Au contraire, j’ai encouragé mes élèves à travailler l’étranglement avec trois doigts (pouce, index, majeur) et à tenir le bras de Uke de la même façon. Pas de force, un contact suffisamment léger pour que Uke « tombe » dans l’étranglement et s’étrangle finalement seul avec son propre poids.

La deuxième défense fut mukae daoshi (irimi nage direct), ou au lieu de forcer avec ses bras ils ont essayé de créer le déséquilibre en utilisant uniquement deux doigts de chaque main. Sentir le point de rupture de Uke sans le laisser sentir qu’il est pris… avant qu’il ne soit trop tard.

Il nous faudra surement (à eux comme à moi) de nombreux exercices de ce type pour qu’enlever la force devienne naturel. Mais la première étape est peut-être d’éduquer le corps en tant qu’Uke avant d’être capable de le faire en tant que Tori.

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