Les dangers de l’enseignement
Si l’enseignement
représente pour beaucoup une étape nécessaire, ou dans le pire des cas un
aboutissement, il présente également un certain nombre de risques. Car l’enseignement
amène son lot d’illusions qui peuvent très facilement embarquer le pratiquant
dans une spirale négative.
Quand on
enseigne, on ne pratique pas
Ça n’est pas
toujours vrai, mais c’est un problème courant. Un enseignant a tendance à se
positionner au-dessus de la mêlée et à corriger ses élèves mais pas à pratiquer
lui-même pendant le cours. Pour plusieurs raisons d’ailleurs. Déjà parce que
son boulot d’enseignant est d’enseigner et qu’il est donc normal qu’il se
concentre sur cette question. Ensuite parce que - ego aidant – tout le monde n’apprécie
pas de foirer une technique sur un de ses élèves.
Je n’ai
personnellement pas de problème avec ça, essayant de m’entrainer autant que
possible pendant mes cours puisque c’est la raison principale pour laquelle j’ai
commencé à enseigner. Mais ce problème réglé, reste celui de la complaisance
des élèves envers leur enseignant.
Apprendre? Pourquoi faire? Je sais déjà tout
La complaisance
des élèves
C’est l’autre risque principal à mon avis, et
celui qui me frappe le plus. Probablement parce que je le vois a la plupart de
mes cours d’Aikido. Lorsque l’enseignant démontre, son uke chute, parfois
simplement par respect du statut et pour ne pas faire perdre la face à son
professeur. Cela m’arrive de plus en plus en Aikido où je fais ma technique sur
mon partenaire, qui tombe (et qui n’a pas peur de mon statut de 6e
kyu a priori), l’enseignant vient me fait la technique, bien en force et
perceptible à 2 kms, je tombe pour être gentil et m’entends dire « tu as
compris ? ». Je hoche la tête et retourne tranquillement à mon
travail. Si ce genre de choses m’émeut assez peu en tant qu’élève, cela me déplait
profondément en tant qu’enseignant.
Lors d’une
conversation autour d’une bière après le cours de dimanche, l’un de mes élèves
me parlait de son frère (qui s’entraine aussi avec nous) en me disant « ce
qui est bien avec Luke, c’est qu’il ne tombe que s’il sent quelque chose. Il ne
viendra jamais pour faire plaisir ». De fil en aiguille nous avons parlé
du risque de laisser passer la technique plus facilement quand elle est faite
par le prof ou par un gradé et j’ai bien insisté sur le fait qu’ils ne devaient
JAMAIS faire semblant quand je leur appliquais une technique et que si ça
merdait il valait mieux que je le sache pour pouvoir chercher ce qui n’allait
pas.
Car quand j’y
pense, sur les nombreux enseignants que j’ai eus, beaucoup m’ont impressionné
au début, puis au bout de quelques mois/années je sentais que leurs techniques
ne marchaient plus que parce que je les laissais faire. Tous avaient en commun
d’enseigner plus que de pratiquer. Dans certains cas ils stagnaient, dans d’autres
ils régressaient, au mieux ils observaient une progression faible en
comparaison de la mienne. Dans tous les cas je ne sentais pas une envie d’aller
plus loin.
Se remettre en
question ?
L’enseignement
apporte son lot de bonnes choses. Transmettre une tradition/culture/passion, créer
un groupe avec une direction de pratique commune, tout simplement partager.
Mais l’enseignement ne peut pas être une fin en soi. S’il est considéré par
beaucoup comme une étape, la question doit être une étape vers quoi ? Car
c’est la toute la question, où souhaite-t-on aller ?
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