Shu Ha Ri
J’ai découvert récemment
une excellente interview de Serge Rebois sur le blog d’Imagin’Arts. Serge est
enseignant de Nihon Tai Jitsu et de Judo, mais également de Kyusho et pratique
le Shiatsu. J’ai eu la chance de le rencontrer à Temple sur Lot en 2006 et ma première
impression avait été très positive.
En plus de son
parcours que j’évidemment trouvé intéressant, c’est cette partie qui m’a sauté
aux yeux :
«J’ai trouvé tout
ça dans le Nihon Tai Jitsu de Maître Roland Hernaez, une école assez ouverte
pour que tu puisses y parcourir ton propre chemin et y amener ce qui te semble
le mieux pour toi. »
En lisant cette
phrase, j’ai pensé à une phrase que j’ai écrite il y a exactement 4 ans, à mon
retour de Corée :
« Au final,
cette expérience m'a laissé un gout amer: j'ai énormément appris et en même temps
je ne me suis pas retrouvé dans le style enseigné. Ça vient peut-être du fait
que j'ai trop trainé un peu partout ces dernières années, mais je n'ai jamais
ressenti ça avec le Nihon Tai Jitsu, qui malgré cela m'a toujours semblé en
cohérence avec ce que je recherche. »
Le Nihon Tai
Jitsu, comme l’Aikido Yoseikan (ou d’ailleurs l’Aikido tout court) est protéiforme.
Nous pratiquons tous la même école, avec des bases identiques, mais le
pratiquant reste libre de choisir son chemin et de créer son « Nihon Tai
Jitsu ». Mon parcours a fait que ma vision s’est forgée d’une certaine manière,
qui n’est d’ailleurs pas celle de Serge (ma connaissance des points de pression
étant très limitée). Ma façon de faire est aussi différente de celle de Raymond
Jugeau dont le haut niveau en Judo est perceptible. Elle diffère aussi de celle
de Me Hernaez même si je garde en tête ce que j’ai pu apprendre auprès de lui. Malgré
cela, je n’ai jamais entendu que ce que je pratiquais n’était plus du Nihon Tai
Jitsu, de même que je ne crois pas l’avoir entendu à propos de l’un des experts
de la discipline (qui ont pourtant tous des façons de faire différentes).
Shu Ha Ri
Shu Ha Ri est un
concept classique des arts martiaux japonais, qui décrit les 3 étapes de l’apprentissage :
- Shu (守,
"protéger", "obéïr") – Copier l’enseignement sans y
apporter sa touche personnelle
- Ha (破,
"se détacher", "digresser") - casser avec la tradition,
trouver de nouvelles approches
- Ri (離, "quitter", "se séparer") -
transcender l’enseignement reçu, tous les mouvements deviennent possibles
Je considère la première étape comme une étape « photocopie » ou l’élève recopie ce que fait son maitre, de façon bête et méchante. C’est une étape nécessaire pour former le corps et acquérir les bases. C’est aussi une étape insuffisante pour s’approprier l’école et dépasser son maitre. Une photocopie ne restera toujours qu’une photocopie et restera toujours d’une qualité inférieure à l’original. Une photocopie de photocopie sera encore d’une qualité inférieure.
Je considère la première étape comme une étape « photocopie » ou l’élève recopie ce que fait son maitre, de façon bête et méchante. C’est une étape nécessaire pour former le corps et acquérir les bases. C’est aussi une étape insuffisante pour s’approprier l’école et dépasser son maitre. Une photocopie ne restera toujours qu’une photocopie et restera toujours d’une qualité inférieure à l’original. Une photocopie de photocopie sera encore d’une qualité inférieure.
Il est dès lors
important de casser avec la tradition et de comprendre par soi-même. Choisir
son chemin. Serge Rebois a choisi les Kyusho, j’ai choisi la modification de l’utilisation
du corps. L’un n’est pas mieux que l’autre, le chemin étant par définition
personnel. La force du Nihon Tai Jitsu, que je ne percevais pas il y a 3 ans,
est sans doute dans cette acceptation du concept Shu Ha Ri, dans sa compréhension
de ce qu’est le Budo : la formation d’individus uniques et non la création
de clones.
N.B.: Ma phrase
de l'époque recoupait également d'autres choses, dont certaines que je n’avais
tout simplement pas la capacité de comprendre à l’époque et qui s'éclairent aujourd'hui, comme le but de certains exercices au bokken.
Commentaires
Jeff dit "sexyrockman"
Ta fin d'article me fait penser à une partie d'interview du dvd de Washizu sensei. Il est dit que Minoru Mochizuki sensei enseignait d'une certaine façon à un de ses deshi et d'une autre façon a un autre deshi, tout cela par rapport à leur aptitude. Je ressens que Sensei Hernaez est également dans cette façon de transmettre et c'est ce que j'aime dans l'école Nihon Tai Jitsu.
Le DVD arrive justement ce soir, je ne te cache pas que j'ai hâte de le regarder!
Ça ne me surprend pas en fait et je dirais même que ça colle bien à l’image que j’ai de Minoru Mochizuki. Il est d’ailleurs intéressant de voir que s’il n’a jamais cherché à développer son école en ouvrant des dojos partout dans le monde, les nombreux styles se réclamant de son enseignement présentent chacune un travail spécifique. Le Gyokushin Ryu Aikido de Washizu sensei diffère de l’Aikibudo d’Alain Floquet qui diffère du Nihon Tai Jitsu de Roland Hernaez, pourtant on y retrouve un certain nombre de similarités : Tai Sabaki, Te Hodoki, Sutemi, etc. Ce que j’ai pu voir des vidéos d’Edgar Kruyning me semble encore légèrement différent, même si on reconnait toujours cette filiation. Je n’ai pas eu l’occasion de voir de vidéos ou de rencontrer Patrick Augé mais je ne serais pas surpris de voir quelque chose d’encore différent.
C’est également ce que j’aime dans le Nihon Tai Jitsu mais paradoxalement il m’aura fallu cette interview pour réussir à mettre des mots dessus.