Etes-vous suffisamment obsessionnels?

J’ai souvent été accuse d’être obsédé par la pratique, ma femme me jetant même parfois un air désespéré a la maison ou dans la rue alors que je teste, plus ou moins discrètement, de nouvelles choses. Cette obsession, bien que surprenante pour mon entourage, semble pourtant partagée par nombre d’adeptes que je suis régulièrement.

Pour simplement prendre en exemple Robert John et Léo Tamaki, puisqu’ils viennent régulièrement à Hong Kong et que j’ai donc l’occasion de passer plus de temps avec eux, je suis toujours amusé de les voir faire des mouvements type Age Te dans la rue ou au restaurant, ou simplement tester de nouvelles choses en touchant leur verre ou la table.

Est-il nécessaire de développer une pratique « compulsive » ?

Akuzawa Minoru - Photo Aiki-Kohaï
"Mon Shisho m'a enseigné les choses qu'il avait apprises. Mais il m'a dit qu'elles ne m'appartiendraient que quand je les aurai réellement acquises. Dans le bujutsu, il ne suffit pas de reproduire ce qu'on vous montre, ça doit devenir une partie de vous."
Akuzawa Minoru, Yashima numéro 2, septembre 2018

Si l’on peut évidemment se poser la question de notre bon équilibre mental, il est également important de ne pas perdre de vue son objectif et le travail immense requis pour l’atteindre. La pratique des plus grands adeptes est la pratique d’une vie. Pas juste de 50-60 ans à fouler les tatamis 2-3 fois par semaine, mais bien l’engagement total d’une vie dédiée a la pratique.

Les traces laissées par Sagawa sensei à ce niveau laissent peu de doute sur son engagement, avec des répétitions de Tanren pendant plusieurs heures par jour, chaque jour de sa vie. Des répétitions astronomiques à un âge très avancé qui feraient tourner la tête de la plupart des pratiquants dans la force de l’âge.

Yokota Kousaku que j’ai eu la chance d’interviewer pour Yashima est également un exemple en la matière. Non content de pratiquer plusieurs heures par jour, il s’impose également des défis chaque année pour son anniversaire. Cette année pour ses 72 ans, il a réalisé… 720 répétitions de kata ! Soit environ une douzaine d’heures de pratique ce jour-là. L’année précédente il avait fait 7,100 pompes.

"Je pratique cinquante kata de manière régulière, les vingt-cinq de la JKA et vingt-cinq des cent cinquante crées par Asai sensei. [...] En plus des kata, je m'efforce de garder un corps Karate, c'est-à-dire que je travaille ma souplesse, mon équilibre et ma stabilité. Asai sensei a défini cent-cinquante exercices pour travailler le corps. Je les ai tous notés et je les pratique tous, même si j'ai encore des problèmes avec un ou deux d'entre eux."
Yokota Kousaku, Yashima numéro 3, janvier 2019 



Ces heures de pratique sont évidemment importantes et comptent, mais il ne nous est possible de pratiquer qu’un nombre d’heures restreint chaque jour, la vie devant malgré tout suivre son cours. Il nous est pourtant possible d’amener la pratique hors du temps « officiel » d’entrainement en faisant de chaque instant une opportunité de pratiquer. Alors que j’écris cet article, je ne donne pas des mae geri par centaines, mais j’ajuste ma posture, vérifie constamment la tension dans ma nuque, dans mon dos, je m’assure d’un équilibre entre mes deux jambes et de l’absence de tension dans mes épaules à chaque touche appuyée sur mon clavier. En me levant, je m’assurerai de ne pas pousser inutilement dans le sol avec mes pieds, de ne pas tordre ma colonne vertébrale et à nouveau de ne pas créer de tension dans ma nuque. Chaque instant de la vie quotidienne est une opportunité » s’asseoir, se lever, marcher, attraper un verre, ouvrir une porte. Votre vie quotidienne est l’occasion de changer votre système d’exploitation. La pratique elle-même est juste l’occasion d’utiliser ce nouvel OS avec des techniques martiales et des partenaires.

La visualisation est également un outil essentiel, utilisable partout. Plus une minute d’ennui puisque vous pouvez simplement visualiser vos mouvements, avec ou sans partenaire dans le train ou lorsque vous attendez un ami. De nombreuses études ont mis en avant l’impact réel sur les connexions neuronales de la visualisation : en d’autres termes, vous pouvez avoir des résultats juste en visualisant.


L’obsession, une caractéristique des super performers

J’écoutais il y a quelques jours un excellent podcast entre Tim Ferriss et Peter Attia et j’ai été frappé par le fait que tous deux sont totalement obsédés par les activités qu’ils entreprennent. Si certaines sont particulièrement farfelues (je vous invite à écouter la partie sur le Egg Boxing ou Forks and Knives), il est passionnant de voir comment leurs cerveaux sont câblés et comment ils approchent les activités qui leur tiennent à cœur. Avec un engagement total et une volonté de comprendre le sujet dans son intégralité.

Et ils sont loin d’être des exceptions. Je vous invite à regarder de plus près ce que font les gens au plus haut niveau dans n’importe quelle discipline, et à regarder comment ils approchent non seulement leur sujet de prédilection, mais également les autres activités auxquelles ils s’adonnent. Il est probable qu’ils deviennent une grande source d’inspiration.

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