Savoir sortir de sa zone de confort
Quand on débute un art martial,
quel qu’il soit, les premiers pas sont en général difficiles. Nous
devons nous habituer à une nouvelle façon de nous mouvoir et
synchroniser notre corps de manière à reproduire plus ou moins
correctement les techniques proposées. Et au fur et à mesure que l’on
apprend à se mouvoir correctement et a réaliser les techniques avec plus
de facilité, les exercices proposés deviennent de plus en plus
complexes, rendant l’apprentissage sans fin. Du moins
en théorie car très souvent lorsque l’on parle d’exercices plus
complexes, il s’agit en réalité de réaliser des enchainements plus
alambiqués les uns que les autres, alors que j’aurais tendance à croire
qu’ils devraient être visuellement plus simples, mais
corporellement plus difficiles.
Je veux croire que la pratique est
une continuelle remise en question et une exploration la plus rigoureuse
possible du mouvement. Pourtant, il suffit de regarder autour de nous
pour voir nombre d’experts dont la pratique
n’est en réalité pas vraiment plus avancée qu’elle ne l’était 10-20 ans
auparavant. Arrivé à un certain niveau, alors que les techniques sont
acquises, du moins dans leur forme extérieure, il est facile de se
reposer sur ses acquis et de ne pas chercher plus
profondément. Car chercher est un exercice qui peut être douloureux et
frustrant.
Remettre en question sur sa
pratique peut se faire de nombreuses façons, et la plus évidente est
d’aller chercher dans notre propre école les réponses à nos questions.
C’est évidemment mon premier choix et je prends un malin
plaisir à changer ma pratique tous les trois jours, au gré de mes
nouvelles idées. Si cela peut être difficile à suivre pour mes élèves,
il me semble pourtant sain de ne pas se satisfaire de son niveau actuel.
Je me souviens d’ailleurs d’Akuzawa sensei me
disant lors de l’un de mes nombreux séjours à Tokyo « le jour où on est
satisfait de son niveau, c’est fini ». La satisfaction, si elle est
naturelle quand on arrive à sentir un mouvement correctement, peut
devenir problématique des lors qu’elle prend le pas
sur l’envie d’aller plus loin. Bien sûr il n’est pas question non plus
de faire la gueule à chaque entrainement parce que ça n’est jamais assez
bien, être exigeant envers soi-même ne signifie pas non s’infliger une
torture mentale insoutenable au point de
renoncer face à la difficulté des objectifs que nous avons nous-même
fixés.
Dans ma pratique, qu’il s’agisse
d’Aunkai ou de Nihon Tai Jitsu, cela implique un retour incessant aux
bases et d’accepter les retours de mes partenaires, qu’ils soient ou non
verbalisés. Cela implique aussi d’essayer des
choses sur mes élèves, et de parfois passer pour une tanche parce que
ça ne marche pas comme je l’aurais pensé. Evidemment je ne le fais pas
sur n’importe qui au dojo, et pas systématiquement. S’il est nécessaire
d’avoir des retours sur ma pratique, il n’est
pas nécessaire de rendre les débutants confus sur ce qu’ils doivent
pratiquer.
Une autre façon de se remettre en
question et d’explorer son corps en profondeur consiste à revenir à
l’état de débutant, en pratiquant autre chose. Car si nous avons appris à
nous mouvoir d’une certaine façon au fil des
années, réussir à pratiquer une autre discipline en respectant sa façon
spécifique de se mouvoir est un défi. Alors qu’il serait facile de
croire que nous avons maintenant une grande maitrise de notre corps
puisque nous arrivons à bouger naturellement en
exécutant nos techniques habituelles, il s’avère qu’il est beaucoup
plus difficile de reproduire quelque chose qui utilise des principes
différents. Et pourtant si nous maitrisions vraiment notre corps, nous
devrions pourtant pouvoir passer de l’un à l’autre
sans difficulté aucune.
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