La densité dans la pratique
Il y a un an j’avais évoqué les
recherches que j’avais en cours, et notamment l’augmentation de densité
qui en avait résulté, et les liens que je percevais entre la densité /
le poids perçu et l’utilisation du sternum, element
cle de l’alignement du corps et donc de la transmission de poids. Un an
plus tard, ma perception du sujet est un peu plus complexe.
La densité, pour quoi faire ?
C’est la première question que l’on
devrait se poser à chaque étape de la pratique : pourquoi ? Chaque
exercice proposé a une utilité et les attributs physiques développés
sont faits pour nous amener à bouger d’une certaine
façon et à créer une certaine qualité de contact. La densité est une
des possibilités, mais elle n’est évidemment pas la seule.
La densité se traduit tout d’abord
par une sensation de poids, qui semble plus important que le poids réel.
Quiconque a touché Akuzawa sensei sait par exemple à quel point le
poids qu’il transmet est incomparablement plus
élevé que les 60 kgs annoncés. Ce qui le rend difficile à bouger d’une
part, mais qui surtout lui donne un avantage considérable des qu’il
utilise la force de la gravité pour littéralement poser ce poids sur
nous. Bien loin d’un travail en force contre force,
cette approche permet de créer un type de force inhabituel, sans
tension.
Au contact, dans un format de type
grappling, que nous soyons debout ou au sol, cette densité est un
avantage certain. Mais elle ne l’est pas moins dans un travail de frappe
puisqu’un corps dense permettra de réaliser des
frappes lourdes et dévastatrices, mais aussi de les absorber sans
dommages. C’est aussi une qualité que je pense relativement facile à
développer, si tant est que l’on utilise les bons outils. Je reste
également convaincu que le travail du « plein » dont la
densité fait partie pardonne plus les erreurs que le travail « vide »,
ce qui présente un avantage dans un grand nombre de situations.
Comment la travailler ?
Il existe de nombreux exercices
ayant pour effet d’augmenter la densité et je ne rentrerai pas dans le
détail de chacun d’eux. En revanche il me semble que tous se structurent
autour de deux éléments principaux : l’alignement
correct du corps et le relâchement des articulations.
La notion d’alignement est celle
que j’avais évoquée dans mon premier article sur la notion de densité,
notamment à travers l’utilisation du Kyokutsu (le sternum) que je pense
toujours jouer un rôle central dans l’alignement
correct du haut du corps dû à ses connections avec le menton, les
lombaires ou encore les coudes, et donc dans la transmission de poids.
Qu’il s’agisse de transmettre la force de la gravité dans le corps du
partenaire ou de laisser une force reçue « couler »
à travers le corps vers le sol, la maitrise du sternum est un élément
indispensable et contribuera à donner cette impression de solidité.
La densité : l’alpha et l’oméga ?
Avec tous ces avantages, est-il
nécessaire d’aller voir ailleurs ou la densité peut-elle être considérée
comme une sorte de panacée martiale ? C’est évidemment subjectif, mais
je ne crois pas à titre personnel que la densité
soit suffisante même si elle est évidemment utile. Mon avis est qu’il
s’agit plus d’un pied dans la porte, d’un prérequis pour passer à un
travail plus complexe.
La recherche d’un travail dense
présente en effet à mon avis quelques limites, notamment le fait qu’une
pratique dense et stable est liée a une opposition de structure. Pas un
problème dès lors que ma structure est supérieure,
mais ça peut être problématique dans le cas contraire. Un autre élément
limitant est que c’est un travail qui a tendance à chercher une
certaine forme d’ancrage, ou du moins d’utilisation du sol, ce qui peut
rendre relativement statique. C’est quelque chose
de relativement acceptable dans un travail à mains nues (avec la encore
des limites), un peu moins dans un travail à l’arme blanche a moins
d’avoir suffisamment développé la « chemise de fer » pour arrêter les
lames. Si vous en êtes la, force est de m’incliner.
Etre capable de passer d’un corps
lourd et dense à un corps léger et agile, capable de se déplacer
rapidement ou encore de rediriger les forces sans utilisation du sol est
pour moi un compromis plus intéressant, et je pense
plus proche de ce qui est proposé en Aunkai. Si la stabilité était très
présente dans l’enseignement il y a quelques années, il n’est pas rare
aujourd’hui de voir sensei passer d’un état stable a un état instable,
ou réciproquement.
En termes d’entrainement, une fois
la densité acquise, cela demande donc de remettre les choses à plat et
de rendre le corps plus aérien. La lourdeur dans les pieds disparait et
ceux-ci deviennent complètement libres. Le
haut du corps ne « casse » pas nécessairement pour autant et il est
possible (je dirais même souhaitable a ce stage de ma réflexion) de
garder la stabilité de la « box ». Le haut du corps repose sur le
pelvis, qui lui-même « flotte ». D’une certaine façon
les jambes sont enlevées de l’équation.
Le premier intérêt se trouve dans
les déplacements. Plus léger, il devient facile de se déplacer
rapidement puisque le poids n’est plus dans les pieds. Et être plus
rapide est évidemment un avantage puisqu’il permet de toucher
son adversaire ou d’éviter son attaque plus facilement.
Le deuxième intérêt réside dans la
qualité du contact. Lorsque l’on est stable, et ce même avec un corps
lourd et détendu, le contact donné peut avoir tendance à stabiliser
l’adversaire. Cela ne veut pas dire qu’il pourra
nous arrêter pour autant mais cela peut avoir un impact sur l’effet
obtenu. Si l’on prend un exercice simple comme Age Te par exemple, un
corps stable et dense permettra sans trop de difficulté de lever les
mains. Uke sera déstructure bien qu’il sente la force
passer dans son corps. Pour Tori l’effet ressenti peut être comparé à
une force épaisse, compacte qui enveloppe les lignes myofasciales. Au
contraire, en libérant les jambes et les pieds, et en faisant se reposer
le haut du corps sur le pelvis, il est plus
difficile (en tout cas pour moi) de sentir cette force compacte, alors
qu’il devient naturel de libérer les bras et de les faire bouger
librement, dissocies des jambes. La force transmise à Uke est alors plus
difficile à percevoir.
une modélisation où le haut du corps repose sur le pelvis |
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