La pratique des armes en Aunkai
Issu
d’une pratique de Tai Jutsu, je n’ai eu qu’une exposition modérée aux
armes japonaises avant de débuter l’Aunkai, avec tout au plus un peu de
sabre via le Hankumdo, que
je ne comprenais pas franchement à l’époque, et une pratique un peu
plus approfondie des arts philippins dont l’approche est foncièrement
différente. L’Aunkai a une approche corporelle et non technique du
Bujutsu et si les exercices les plus courants se font
simplement avec le corps, avec ou sans partenaire, il en existe malgré
tout un certain nombre avec armes. On ne parlera à nouveau pas de
pratique armée de type Kata comme on pourrait le faire dans les écoles
classiques, mais d’une utilisation des armes traditionnelles
comme outils de développement du corps.
J’utilise à titre personnel trois types d’armes dans ma pratique : le Rokushakubo, le Furibo, le Tambo.
Le Rokushakubo
Le
Bo de 6 shaku (180cm environ) est l’arme la plus classique de l’école,
son utilisation a été couverte dans de nombreux articles, interviews et
videos et plusieurs exercices
sont décrits dans les DVDs. Le récent article de Filip Maric couvre
d’ailleurs de facon très pertinente et complète le sujet, et je vous
invite à y jeter un œil.
Le Bo permet de travailler chacune des « phases » de travail en Aunkai :
·
le travail en solitaire – Maho/Shiko/Tenchijin, Ashi Age, Shintaijuku, Tsuki· le travail avec partenaire – Walking Maho, Tsuki, etc.
· les applications et le travail libre
Le Bo présente un certain nombre
d’avantages. Déjà il est droit et donne ainsi un certain nombre de
feedbacks en termes d’alignement. Comme il est droit, il transmet la
force de façon claire, nette et rectiligne, très instructif
avec un partenaire puisque le Bo permet de voir immédiatement les axes
et empêche d’une certaine façon de tricher. On pourra donc très
facilement l’utiliser lors d’un Walking Maho, à l’horizontale ou à la
verticale au lieu de prendre le contact au niveau des
mains.
Autre avantage non négligeable :
son poids. J’ai utilisé trois Bo différents depuis mes débuts. Un de 5
shaku, une lance chinoise en bambou, et un rokushakubo. Le premier est
vite devenu trop léger à mon gout, idem pour
le bambou malgré ses plus de 2m de long. S’il ne s’agit évidemment pas
de faire du renforcement musculaire, le poids a, à mon avis, son
importance parce qu’il permet d’une part de corriger ses erreurs et
d’autre part de sentir comment le poids de l’arme (et
par extension d’une partenaire) rentre dans le corps.
Comment est-ce que le poids corrige
les erreurs ? C’est simple, avec une arme légère il sera possible de
faire des dizaines de répétitions de Tsuki avec les épaules relevées
sans le sentir. Avec un Bo d’un poids plus convenable,
ce sera tout de suite plus difficile et les épaules seront rapidement
douloureuses, indiquant immédiatement d’où vient le problème.
Le deuxième avantage que
j’indiquais est donc de prendre le poids de l’arme à l’intérieur de soi.
Utile pour comprendre comment utiliser l’arme de manière optimale sans
utilisation excessive de force, mais aussi pour passer
au travail avec partenaire (avec ou sans Bo d’ailleurs). En apprenant à
manier le Bo on apprend d’abord comment le poids du Bo rentre et sort
du corps, on pourra affiner ce travail avec un partenaire qui donne du
mouvement au Bo et sentir comment prendre le
poids du Bo et du partenaire.
Enfin le Bo a un dernier avantage
que je trouve particulièrement intéressant des lors que l’on passe au
travail avec partenaire : s’il est facile de forcer quand on travaille à
mains nues et qu’on essaie de déséquilibrer
son partenaire, forcer sur un bâton est une autre histoire puisqu’on
remarque tout de suite que la force ne se transmet pas au partenaire et
qu’on s’acharne en local sur un bout de bois…
Le Furibo
Le Furibo ou le sabre en général
n’est pas une arme généralement utilisée lors des cours d’Aunkai, en
revanche l’esprit du sabre est présent dans la pratique et les
références y sont nombreuses. L’un des instructeurs français,
Manu, en avait parlé sur son blog il y a maintenant un moment comme
d’un outil particulièrement intéressant, et j’ai fini par m’en procurer
un de 1kg pour commencer.
L’utilisation du Furibo est
particulièrement intéressante à mon avis en complément du Bo. Le Bo, via
le travail de Tsuki permet typiquement d’approche un travail horizontal
de transmission de force, alors que le Furibo permet
de comprendre comment le poids entre dans le corps sur des mouvements
verticaux, à la manière des exercices Age Te et Sage Te.
La question du poids est cruciale
quand on choisit une arme pour faire des tanren. J’ai choisi de
commencer léger pour éviter les blessures (risques sur les tendons
notamment des coudes, et au niveau du dos) mais un Furibo
de 2-3 kgs peut également être une bonne approche a fortiori pour des
gens plus costauds que moi physiquement. L’important à mon avis est de
ne pas transformer ces exercices en un renforcement musculaire mais les
utiliser comme une façon complémentaire de
conditionner le corps en suivant les mêmes principes : construire un
corps relâché, connecté qui peut faire passer les forces dans un sens ou
dans l’autre.
En complément du Furibo, j’utilise
désormais également un bokken léger, de type Jikishinkage Naginata Yo
(le type utilisé en Kishinkai), un poids que j’affectionne
particulièrement parce qu’il rend la coupe droite beaucoup
plus difficile et ne pardonne aucune tension.
En termes d’exercices il s’agit
dans mon cas d’exercices en solo uniquement (ou quasi uniquement), des
coupes depuis Maho, on en utilisant Shintaijuku, mais aussi un certain
nombre de tanren que je faisais en Corée comme
des coupes horizontales et dont je ne comprenais pas vraiment l’intérêt
à l’époque.
Le Tambo
Pas l’arme la plus courante mais un
outil assez utile à mon avis pour le travail avec partenaire en
l’utilisant par paire. Le Tambo est un bâton court de 30-50cm, et dans
mon cas je l’ai remplacé avantageusement par des
rouleaux à pâtisserie relativement fins, trouvés dans un 100 Yen shop à
Tokyo.
Akuzawa sensei m’a fait utiliser
les tambo pour la première fois il y a un peu plus d’un an lors d’un
cours prive avec Gerald, sur l’exercice de la vague (avec partenaire, un
genou au sol). Les deux partenaires tiennent
les tambo au lieu de se tenir mutuellement, les tambo transmettant
simplement la force. Comme pour le Bo cela permet d’éviter de forcer en
local et d’apprendre à transmettre et recevoir la force sans tricher.
Aunkai est une école d’une grande
richesse et d’une grande complexité, dans laquelle la notion de
techniques à mains nues ou armées perd sons sens pour laisser place à un
travail corporel dans lequel tout se recoupe.
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