Suwari Waza ou l’art de transformer les Aikidoka en petits vieux
Si la position à
genoux est courante dans les arts traditionnels Japonais (tout simplement parce
que la position à genoux était courante dans la vie de tous les jours des
japonais), sa place en Aikido est réellement prépondérante. Il peut s’agir de
rester en seiza pendant une demie heure, de traverser le tapis en shikko ou de
tout un ensemble de techniques pratiquées à genoux. En contrepartie, on notera
que nombre d’Aïkidoka de la première heure ont des genoux dans un piteux état.
Pour ne prendre
que mon cas personnel, si mes rotules ont bien résisté tout au long des années
a la pratique martiale, mes deux simples années d’Aïkido ont suffi à me
rappeler l’immense fragilité de cette partie du corps. Quand je vois l’etat des
genoux de Fred depuis qu’il a commencé l’Aïkido a Taichung, je ne peux m’empêcher
de penser qu’il y a un lien direct. Stupefiant pour un art qui prône l’harmonie
et la préservation du corps. Ou s’agit-il uniquement de préserver le corps de Uke
quitte à bousiller le sien ?
En faisant
quelques recherches sur les dommages du Suwari Waza (pour trouver des moyens de
renforcer cette partie du corps et éviter ainsi les problèmes sur le long
terme), je suis tombé sur cet article tres interessant d’un des derniers Uchi
Deshi d’O Sensei, Gaku Homma.
Gaku Homma enseigne
aux Etats Unis et a la particularité de ne plus enseigner Suwari Waza à ses élèves,
considérant que cette pratique est plus néfaste que bénéfique. Pour ceux qui ne
parlent pas anglais, vous trouverez ci-dessous la traduction de quelques
passages intéressants.
" En tant
que pratiquant actif d’arts martiaux, je souhaite evoquer dans cet article le problème
des " genoux ". Chez les Aikidoka en particulier, les genoux sont la
partie du corps qui a subi le plus de dommages et qui a causé le plus de problèmes
à beaucoup. Lors de mes voyages dans différents pays à travers le monde, je
rencontre constamment des gens qui ne peuvent plus s’asseoir en seiza et qui
portent des genouillères à cause de problèmes de genoux liés à leur pratique de
l’Aikido. J’ai rencontré des élèves dont les genoux étaient si abimes qu’ils ne
pouvaient plus les plier, et encore moins s’asseoir en seiza."
“Les problèmes de
genoux ne sont pas l’apanage des non-japonais. Il y a eu des Aikidoka haut
gradés japonais célèbres, vivant au Japon et a l’étranger souffrant de problèmes
de genoux durant la carrière. C’est une chose de développer des problèmes aux
genoux avec l’âge, mais de nombreux enseignants d’Aïkido ont développé ces problèmes
via la pratique abusive du suwari waza… et ils avaient pourtant l’avantage d’un
héritage culturel les préparant à la pratique"
Gaku Homma
raconte aussi que des consignes étaient données aux instructeurs japonais
partant enseigner à l’étranger dans les années 60-70.
“ Rappelez-vous
que nombre des nouveaux élèves que vous aurez seront plus forts que vous
physiquement. Les techniques en suwari waza seront difficiles pour eux, donc
les pratiquer vous donnera un avantage en dépit de votre différence de taille.
Pour avoir un plus grand contrôle sur vos élèves, pratiquez le suwari waza. Et
pendant les examens, si vous testez des élèves que vous n’appréciez pas particulièrement,
faites les passer en dernier, et faites les attendre leur tour en seiza"
Je n’apprends
sans doute rien à personne en disant qu’un corps d’occidental est différent du
corps d’un japonais, ou encore que les occidentaux, culture de la chaise
oblige, n’ont pas une aisance particulière pour tenir la position seiza. Ne pas
tenir compte de ces éléments me parait hautement irresponsable. Je comprends
cependant que ces techniques soient travaillées, pour des raisons culturelles d’une
part, mais également en raison des contraintes qu’elles imposent sur la façon
de bouger. En revanche demander a des gens de garder la position pendant 30
minutes ou encourager à faire des grands mouvements en suwari waza montre pour
moi une incapacité à percevoir les dangers pour le corps, s’éloignant ainsi de
l’esprit de préservation de l’Aikido.
Commentaires
Heureusement que le travail en seiza est très limité dans notre dojo, mais ça ne m'a pas préservé pour autant, d'autres exercices les sollicitent beaucoup.
En plus du suwari, il y a d’autres éléments qui me perturbent, notamment dans certaines positions debout (et qui ont l’air assez marquées dans ton dojo d’ailleurs). Si elles présentent l’avantage de bien ouvrir la hanche, ça me semble être au prix des ligaments du genou, encore une fois…
- ne pas faire n'importe quoi pour ne pas mettre de contrainte inutile sur les genoux
- certaines qualités personnelles. Dans mon cas j'ai un muscle (le sartorius) qui n'est pas assez souple et qui n'autorise pas la capsule du genou à "tomber" quand il est relâché. Résultat en seiza ça tire sur les genoux