Un week-end d'arts martiaux à Kyoto - Retour sur la 32e édition du festival annuel de la All Japan Budo Federation



Après 8 ans sans retourner à Kyoto, j’ai finalement eu l’opportunité en septembre de retourner dans l’ancienne capitale japonaise pour un weekend martial intense. J’ai encore du mal aujourd’hui à réaliser que ma dernière participation au Embu de la All Japan Budo Federation / Soburen date de 2015, un typhon nous ayant empêché de participer à l’événement en 2018 suite à la destruction partielle du toit du Butokuden et l’inondation de l’aéroport du Kansai, puis s’en étaient suivis la naissance de mes enfants en 2019 et les années Covid. Une interruption longue donc, mais qui n’a fait que rajouter de l‘excitation à l’idée de ce nouveau séjour.

Excitation d’autant plus présente que cette année, pour la première fois, je ne me rendais pas seul au Embu mais j’étais accompagné d’Igor venu spécialement de Pologne, et de Christian qui a fait le trajet depuis Tokyo pour le weekend. Ce séjour était particulièrement important puisque c’était l’occasion pour Igor de présenter son Shodan en Nihon Jujutsu.



Préparation à Hong Kong

Avant de partir pour Kyoto, Igor m’a retrouvé à Hong Kong pour que nous finalisions ensemble les détails de son examen. S’il pratique régulièrement à Varsovie et que nous faisons très souvent des sessions ensemble en ligne pour vérifier ses progrès, nous n’avions pas pu pratiquer ensemble en personne depuis… 2019!

Mais si j’avais réservé un dojo chaque jour de la semaine pour nous entrainer, le temps en a décidé autrement avec le plus gros typhon jamais enregistré sur la ville… C’est donc en partie chez moi, sans tatamis que nous avons du nous entrainer. Malgré les contraintes, je dois dire que ce furent d’excellents entrainements, avec beaucoup d’intensité.

Visite au dojo Chiseikan

A mon arrivée à Kyoto, j’en ai profité pour me rendre au dojo Chiseikan, où est pratiqué le Nenshinryu Budo, un art fondé par Toru Kinefuchi sensei, qui fut uchideshi de Mochizuki sensei dans ses dernières années. C’est donc une pratique descendant en ligne directe de l’Aikido Yoseikan, mais qui se veut plus souple, moins rugueuse que ce qui peut se trouver par exemple au Seifukai, et avec notamment moins d’emphase sur les sutemi, rendant la pratique accessible à tous.

J’y ai été retrouvé par Darren Ball du Yamagawa Budo dojo de Melbourne, et nous avons été incroyablement accueillis par Yoshie et Philippe Sugai sensei. Cet échange a été pour moi passionnant à plus d’un titre. Déjà parce que nous avons vu certains détails sur des entrées de l’Aikido Yoseikan que je n’avais vues qu’en vidéo et qui m’avaient jusque-là laissé dubitatif (plus maintenant). Ensuite parce que si j’avais déjà rencontré Darren en 2015, je n’avais jamais eu l’occasion de pratiquer avec lui, et j’ai été frappé par la qualité de contact dont il faisait preuve.




Stage international et passages de grades

Le samedi matin, nous nous sommes retrouvés avec les représentants des 18 délégations internationales au Butokuden de Kyoto pour un stage avec les experts japonais de l’association. 4h30 de pratique au total, sous 35 degrés et une humidité presqu’aussi élevée qu’à Hong Kong, avec un cours de Karate Goju Ryu, un d’Aikido Seibukan et enfin un de Toyama Ryu Iaido.

Mon dos qui me jouait quelques tours depuis fin juillet n’a pas tout à fait été à la hauteur du défi, et le travail dur de Kote Kitae en Goju Ryu n’a pas forcément aidé. J’ai donc profité de la pause déjeuner pour aller à la pharmacie m’acheter quelques patches pour le dos et m’assurer d’être capable d’assurer pour les passages de grade.

Igor était donc candidat au premier dan en Nihon Jujutsu, quant à moi j’avais décidé de tenter ma chance pour le 6e dan. Pourquoi tenter ma chance? Le 6e dan est un grade élevé, tout du moins dans mon esprit, et c’était pour moi un grade connoté émotionnellement plus qu’autre chose, la ceinture de garde barrière qui y est associé étant pour moi une madeleine de Proust. Mais l’opportunité de le passer devant Kawano sensei, au Butokuden, avec Christian et Igor était trop tentante pour la laisser passer.

Igor est passé en premier, m’assurant ainsi qu’il aurait l’esprit libre pour mon passage, et me permettant aussi de me lâcher un peu plus sans craindre d’affecter sa performance. Ceux qui ont eu le plaisir de travailler avec moi en démonstration ou en passage de grade savent que j’ai tendance à y mettre une intensité nettement supérieure à celle que je mets à l’entrainement. Ce fut je crois une surprise pour Igor, que j’ai à moitié assommé sur un ushiro kiri otoshi un peu sec.

Les examens sont finalement terminés, nous sommes tous entiers, et rincés. Il est temps d’aller se préparer pour le diner.



Embu

Dimanche matin, les participants se sont de nouveau rassemblés au Butokuden, pour l'embu (démonstration) de la All Japan Budo Federation, dont le Nippon Seibukan fait partie. L'embu est l'occasion pour les participants de présenter leurs compétences et leurs connaissances aux instructeurs et aux autres participants.

La chaleur et l’humidité ont peu évolué par rapport à la veille, et la cérémonie d’ouverture semble n’en pas finir alors que les différents officiels font leur discours et que les participants sont déjà en nage. Une grosse journée s’annonce.

Mon dos reste très limite alors que nous regardons les premières démonstrations, variées et passionnantes. C’est enfin notre tour en milieu d’après midi et sur un sutemi, mon dos se contracte violemment au niveau du sacro-iliaque. Au sol, je me dis qu’il sera impossible de continuer dans ces conditions, mais je me rappelle que nous avons fait le trajet pour ça, et que mes enfants regardent. C’est une chose de parler d’esprit du samurai, mais cela devient ridicule si la première douleur nous arrête. Je me relève comme si de rien n’était, et j’assume la douleur. Nous terminons sans que personne ne le remarque. Je quitte cependant le tatami plié en deux. Heureusement un massage rapide par Mounir Ghrawi de l’équipe canadienne et un autre massage le lendemain avant de repartir limiteront la casse. Mais c’est seulement à Hong Kong que je me rends compte de l’ampleur des dégâts: mon torse a la forme d’une virgule. Merci à mon osteo qui m’a remis sur pied, mon pelvis était déplacé et une partie de mon sacrum bloqué en extension.

 

Après l'embu, nous nous sommes de nouveau réunis sur le tapis, devant le shomen du Butokuden pour la cérémonie de clôture. Comme chaque année, des prix ont été remis aux participants ayant réalisé des performances « exceptionnelles ». Et c’est à notre plus grande surprise que nous avons entendu le jury nous appeler pour le trophée de la meilleure démonstration. Il m’a fallu quelques secondes pour réaliser que ce n’était pas une erreur. En maintenant quatre participations je n’avais jamais reçu plus qu’une des sept plaques données pour « excellence technique » et je pensais difficilement réussir à en accrocher une vu notre niveau de préparation et mon état physique. Ce weekend ne pouvait pas mieux finir.






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