Dépasser la forme du Kata

Le Nihon Tai Jitsu comme de nombreuses disciplines japonaises contient un certain nombre de Kata, qui servent, avec les techniques de base, de grammaire à l'école. 

Ces Kata sont au nombre de 13, 3 de base pratiqués seul, 6 de Nihon Tai Jitsu pratiqués avec partenaire, 4 de Nihon Jujutsu pratiqués avec partenaire. Si les Kata de base sont étudiés dès le départ, les autres arrivent au fur et à mesure dans la progression. 

Le but de cet article n'est pas de détailler ces Kata, il existe des ouvrages et des vidéos qui le font très bien mais de comprendre leur utilité dans la pratique, en particulier à un niveau avancé. J'ai personnellement beaucoup de mal avec la vision chorégraphiée des Kata, i.e. se contenter de répéter une forme extérieure le mieux possible sans recherche supplémentaire. C'est pourtant quelque chose de relativement commun, et je trouve ça personnellement dommage. Pourquoi? Parce qu'arrive à un niveau où recopier des techniques dans leur forme extérieure devrait être relativement évident. Bouger de la bonne façon en utilisant les principes spécifiques mis en avant par le Kata l'est moins. C'est pourtant ce qui a le plus d'importance. 

Un Kata est construit pour un ensemble de raisons, qui dépassent le fait de donner quelque chose à présenter pour tel grade en examen. Si ça n'est pas le cas... allégez vos examens et concentrez vous sur l'essentiel. Il peut s'agir de façon d'utiliser de corps, de travail sur l'intention, de certains principes stratégiques, ou de choses plus simples pour des Kata basiques, comme une compréhension des axes. 

Prenons deux exemples: le Hyori no Kata et le Nihon Tai Jitsu no Kata Sandan. 

Le Hyori no Kata est un Kata créé par Minoru Mochizuki et qui simule un combat en armure. Il est effectué au ralenti et se compose uniquement de Kaeshi Waza. Si la chorégraphie est relativement simple à mémoriser, ce Kata contient un certain nombre d'éléments beaucoup plus profonds sur la façon d'utiliser le corps: comment recevoir la technique et l'absorber avec son corps pour pouvoir renverser la situation. C'est un Kata que je n'avais typiquement pas compris avant de débuter l'Aunkai mais qui prend pour moi tout son sens aujourd'hui. 



Le Sandan est également un Kata qui se concentre sur les Kaeshi Waza, à la différence que Tori effectue systématique la première attaque en réaction à l'arrivée imminente d'une attaque de Uke. Dans les faits, l'intention de Uke est marquée par une attitude agressive et un mouvement des poings en garde. Il s'agit d'une forme donc l'attitude est évidemment formalisée, cela ne veut pas forcément dire qu'il faut s'arrêter là. Ma compréhension est que ce Kata propose un travail sur le sensen no sen, et donc sur le fait de percevoir l'intention de Uke et d'agir avant qu'il ne lance son attaque. Ça implique qu'Uke ne montre pas son intention en brandissant ses petits poings et que Tori cherche à travailler sa perception pour agir avant le lancement de l'attaque. Ça ne veut bien sûr pas dire qu'il ne faut jamais pratiquer le Kata dans sa forme académique, évidemment, juste qu'il est proposé pour un certain nombre de raisons et qu'il importe de trouver quelles sont ces raisons. 



Pendant mes premières années j'avais une sainte horreur des Kata ou du travail des techniques de base. Je les voyais comme un travail purement académique, ennuyeux, qui n'avait qu'une valeur limitée par rapport au travail libre. Aujourd'hui si j'aime toujours profondément le travail libre parce qu'il me permet d'exprimer ma pratique, le travail formel est devenu une part essentielle de ma pratique et de mon enseignement, parce que c'est lui qui donne les clés pour aller plus loin.

Commentaires

Unknown a dit…
Tout à fait d'accord avec ton article. Quand les principes apparaissent (ou pas), c'est indépendamment de la succession de techniques qui n'en est que le véhicule externe. Et il n'est pas indispensable de connaître la chorégraphie pour voir la qualité d'un pratiquant.
Exemple (un peu trollesque, je l'avoue) :
https://www.youtube.com/watch?v=1Od41h4zHu8

;)
Anonyme a dit…
Citer Pereda comme un exemple trollesque est un euphémisme.
Ca ne m'étonne pas de toi :)
Thomas Mangin a dit…
En anglais mais complémente bien cet article.
https://www.youtube.com/watch?v=y02d-QU_aoE

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