Pédagogie
Les bons
pratiquants ne font pas forcement les meilleurs enseignants et vice-versa. J’ignore
à titre personnel si je suis un bon pédagogue et je ne me pose d’ailleurs pas
la question de cette façon. Ce qui m’intéresse en revanche c’est de savoir ce
que je peux apporter à mes élèves (le contenu) et comment je peux leur apporter
(la forme), car l’un est sans aucun doute aussi important que l’autre.
Combien d’enseignants
avez-vous eu, que ça soit dans les arts martiaux ou pas, dont le message ne
passait pas ? Ou du moins ne restait pas dans vos esprits ? Que faire
en tant qu’enseignant, dans un stage ou en cours réguliers pour aider nos élèves
à retirer quelque chose du cours ?
A l’approche du
stage de Nort-sur-Erdre, c’est une question que je me pose. Contrairement à mes
élèves réguliers, les personnes présentes ne passeront que quelques heures avec
moi, peut-être pour la première et dernière fois. Tous ont leur enseignant régulier
et il s’agit donc d’apporter des pistes de réflexion supplémentaires ou un
point de vue différent.
Quelle pédagogie choisir? |
En préparation du
stage j’ai visionné l’intégralité des vidéos de l’an dernier, d’une part pour
me remémorer ce que j’avais montré et ne pas redonner un stage identique,
ensuite pour revoir la forme. Au contraire de mes cours réguliers, ce stage
avait presque un air de one man show, avec un enseignant surexcité balançant
des blagues à intervalles réguliers. D’un certain coté, j’y ai retrouvé l’approche
de deux des enseignants qui m’ont le plus marqué à ce niveau : Me Hernaez
et Louis Mercier. Je me souviens avoir été surpris la première fois par leur façon
d’enseigner, qui s’éloignait de l’image austère que l’on imagine parfois
associée à l’étiquette des Budo. L’étiquette était pourtant respectée, et
aujourd’hui encore je me souviens de leurs bagues et des messages qu’ils
faisaient passer par ce biais.
A Hong Kong, j’utilise
moins cette option, tout simplement pour une question culturelle et
linguistique. Avoir des élèves issus de différentes cultures et avec des
niveaux d’anglais variables ne facilite pas forcement l’humour… J’essaie malgré
tout d’expliquer beaucoup, et de faire sentir autant que possible à chaque
personne présente. Autant que possible j’essaie de favoriser l’interactivité et
d’encourager les élèves à me/se poser des questions. Un enseignant est là pour
guider, mais ce sont au final les élèves
qui font le travail.
L’approche de
Romain lors de son passage à HK m’avait aussi profondément intéressé. Moins à l’aise
en anglais, il parlait finalement peu mais parvenait à indiquer sans un mot les
points essentiels de la technique. Je suis personnellement incapable de la
fermer (même quand personne ne comprend ce que je raconte) mais j’avais trouvé
l’approche efficace et très claire.
Dans un autre
style, j’apprécie aussi l’approche d’Akuzawa sensei qui parfois me balance un
concept, une idée ou me montre un mouvement rapidement, sans explication, sans même
une once d’introduction. Une sorte de « tiens, demmerde toi avec ça ».
Une grande partie de ce que je fais aujourd’hui vient d’éléments qu’il m’a
glissés comme ça. On retient mieux ce que l’on (re-)découvre par soi-même que
ce que l’on nous donne tout cuit.
Comme pour la
pratique, ma pédagogie reste en mouvement. Je ne crois pas qu’il existe de
solution idéale, d’autant plus avec des publics variés qui apprennent différemment.
Comme toujours, il faut savoir s’ajuster, s’adapter.
Commentaires
Pour ma part le premier stage que j'ai fais avec Philippe Pinerd à l'époque m'a marqué. Il disait"quand je viens à l'entrainement,je viens avec le sourire à l'extérieur, mais surtout à l'intérieur. Puis je sers mon art martial avec la même quantité de douceur que de sévérité,parfois de douleur pour être vrai dans l'instant. Pourtant, je n'aime pas faire Mal sur le principe mais je n'oublie jamais que je pratique un art martial et que je vis au travers." Dernière chose Romain aussi fait des blagues, le plus souvent c'est parce l'ont est trop tendu ou concentré sur ce que l'on fait et cela nous montre que la situation ou la position en devient ridicule.Où bien pour trente seconde de détente et que l'on soit plus attentif après.
Bref,comme tu le dis si bien,tu t'ajusteras sur place, mais surtout viens avec tout ce qui fait de toi une personne unique et apprécié de beaucoup.A+
Mais la façon d’enseigner, comme la façon de manager une équipe, a des conséquences directes sur les résultats, et ça me semble utile de s’y intéresser. Si des pratiquants moyens arrivent à mieux transmettre que des experts, c’est qu’ils ont quelque chose en plus qui compense leurs lacunes techniques. Si je n’arrive pas à transmettre à mes élèves ce que je suis capable de faire, d’une certaine façon j’ai échoué dans mon rôle. Comment faire pour que ça n’arrive pas ?
Sur place je viendrai avec mon décalage horaire et le choc thermique et j’improviserai très certainement la plupart des exercices, des explications et des blagues, mais cette réflexion me permet une approche a plus long terme de ma façon de faire
L'exercice de style le plus complexe je pense,ce n'est pas d'enseigner à ses élèves réguliers.Nous connaissons le cursus vu qu'on y est passé.Après il reste quand même à savoir de quelle façon on va s'y prendre pour transmettre nos connaissances.
Concernant un stage,et qui plus est avec une autre discipline(même si assez proche vu de l'exterieur)la remise en question n'en est que plus importante.Essayé de montrer la diversité de sa pratique tout en gardant une certaine cohérence,voilà un bon défi en soi!
Manu GHF
Deux personnes qui voient la même technique y verront probablement deux choses très différentes, et c’est sans doute ce qui fait la beauté de la chose