Ukemi: fort et souple à la fois
Les Ukemi sont souvent considérés comme des chutes. Ils sont pourtant bien plus que cela. 受け(Uke) renvoie à la personne qui reçoit la technique. Le kanji 受 représente deux mains qui échangent un objet et transmettent l'idée de recevoir, alors que け est l'hirigana ke. Le verbe Ukeru, à l'origine d'Ukemi signifie donc recevoir. Le dernier kanji 身 représente le corps.
L'ukemi consiste donc à recevoir avec le corps. Mais recevoir quoi et comment?
Le rôle d'uke ne doit jamais être passif. Il est celui qui permet l'action et donc celui qui donne à Tori les clés de sa progression. Plus qu'une simple victime consentante, Uke a le devoir de placer Tori dans les meilleures conditions d'apprentissage, en respectant les principes de distance, d'engagement et d'auto-préservation. Si l'attaque d'uke et ses réactions ne sont pas réalistes, la défense de tori ne le sera pas non plus.
Chuter pour éviter la fracture |
Dans ce cadre, l'ukemi a deux buts. Le plus évident est la protection de Uke en lui permettant de recevoir la technique sans se blesser. Les techniques devenant plus dangereuses en progressant, il est nécessaire de pouvoir les recevoir pour garantir une pratique sûre. Le second point est de permettre à tori de travailler sans se soucier de uke. Il peut exécuter sa technique plus rapidement, avec un meilleur timing, si uke est capable de la recevoir sans se blesser.
Mais au-delà de ces deux points, l'ukemi est un superbe outil de formation du corps qui nécessite de relâcher le corps tout en conservant une certaine présence. Trop relâché et la tête frappe le sol. Trop tendu et l'impact au sol devient beaucoup plus douloureux. Cette juste tension est toujours difficile à trouver, notamment chez les débutants qui ont tendance à soit utiliser toute leur force musculaire, soit à devenir tout mous. En tant qu'uke, chacune de ses deux options appelle une sanction immédiate lors de l'ukemi, encourageant l'élève à s'ajuster et à trouver la juste utilisation de la force et de la souplesse.
L'ukemi peut aussi, je pense, être un excellent exercice de sensibilité selon comment il est utilisé. Il est par exemple courant en Aikido d'anticiper très légèrement son ukemi par rapport à l'action de tori pour éviter une "cassure" dans le mouvement et conserver une certaine fluidité. Cette approche permet d'une part une meilleure préservation de uke (qui subit moins la technique) et d'autre part une meilleure sensibilité de uke à l'action de torils en l'encourageant à sentir à quel moment la chute va arriver pour lui permettre d'anticiper. Sensibilité qui permettra par la suite le travail des kaeshi-waza.
Commentaires
Papier intéressant sur les ukemi... Chez nous, en Aïkido, nous les travaillons, en plus des aspects techniques, particulièrement comme formation du corps : gainage, souplesse, contrôle (décision de chuter ou pas >> stabilité / ancrage / etc.), et cardio (série de 300, 500 ukemi et plus - mae / ushiro >> ça nécessite du contrôle et de l'économie de moyens...)...
Jamais réellement vu ça ailleurs (judo, NTJ, Aïkido autre tendance...). A mon avis cela manque...
Pour le NTJ, il me semble que le travail d'ukemi est (à ce que j'ai vu chez Mika ou en stage) plus issu de celui des judokas sur la forme et le fond (un peu "bourrin" pour tout dire...) que celui de l'aiki. Comment les fais-tu travailler dans ton dojo ?
Merci pour ton blog
Julien
Julien
Mon approche est comme souvent à la croisée des chemins. Ne serait-ce que parceque je considère que l'ukemi ne doit pas été subi mais choisi par Uke pour se protéger et laisser travailler Tori, en tout cas dans un certain nombre de cas. Aussi parce que je trouve que c'est un excellent outil de formation du corps. En revanche je ne réalise pas de très longues séries, au plus une centaine. Il m'arrive aussi de faire travailler les chutes sur des défenses libres de Tori pour qu'Uke prenne le rythme et apprenne à sentir les directions et relâche son corps. En général ça dure quelques minutes, je ne prends pas le risque de l'accident en faisant durer ça aussi longtemps que ce qu'on me faisait faire en Corée (30 min).
Il m'arrive aussi de travailler sur des cycles de chutes, et dans ce cas une grande partie se fait avec partenaire, qui projette vers l'avant, l'arrière, le côté, en permettant ou non à Uke de rouler. C'est donc beaucoup de mise en situation mais en encourageant Uke à rester actif (capable de contrer si possible, capable de chuter pour se protéger)