Remettre la pratique dans son contexte
Alors que ma compréhension de la
pratique s’affine, ou du moins qu’elle prend une direction assez claire,
je m’aperçois de la distance qui me sépare maintenant de mes premières
années. Alors que je pratiquais de façon plutôt
athlétique, et en me focalisant sur une certaine efficacité technique
alliée à une recherche de puissance/explosivité, ces dernières années
m’ont permis de mieux comprendre le contexte d’origine des Bujutsu et
l’impact que ce contexte a sur la pratique.
On ne bouge pas dans les Bujutsu
comme en boxe. Le choix est délibéré et contextuel. Sans armes, en un
contre un, et avec des règles clairement délimitées, les choix de la
boxe permettront de s’en sortir au mieux. La position
sera plus fermée et permettra de se protéger des chocs. Au sabre contre
plusieurs opposants, il faudra au contraire pouvoir bouger dans toutes
les directions, chose difficile avec une posture fermée.
La façon même de marcher au Japon
avant l’ère Meiji (la fameuse Namba Aruki dans laquelle on ne vrille pas
la colonne) a un impact net sur les choix techniques et on s’aperçoit
rapidement que certaines techniques de Jujutsu
deviennent très difficiles à réaliser sans force sans respecter cette
idée. Encore une fois il ne s’agit pas de juger quelle est la meilleure
option, mais de comprendre quel est le contexte qui a donné naissance à
nos pratiques. Un exemple qui m’avait frappé
de ce point de vue, était l’explication donnée par Maul Mornie sur la
façon de combattre du SSBD. Au Brunei, dans son village construit sur
l’eau, les ponts pour traverser sont relativement étroits, et il est
évident que sortir franchement de la ligne d’attaque
revient à se donner en pitance aux crocodiles. Prendre le centre en
restant sur la ligne et en faire sortir l’adversaire est nécessaire.
Dans les arts japonais, j’ai
souvent l’impression que le contexte a été oublié. L’utilisation des
armes par exemple a un impact crucial sur les choix techniques. Est-il
utile d’avoir une immobilisation aussi forte qu’en
JJB quand il suffit de maintenir son adversaire une seconde avant de
lui trancher la gorge ? Est-il même utile d’essayer de contrôler au sol
quand il suffit de sortir son arme après la projection pour couper ce
qui passe ? J’ai récemment proposé à mes élèves
ce type de mise en situation en partant des techniques de base du NTJ.
D’autant plus intéressant que ces techniques démarrent sur saisie de
poignet et donc potentiellement sur une tentative de contrôle de Tori
avant qu’il dégaine son sabre. Rendre Uke actif
en lui demandant d’utiliser la saisie pour prendre l’avantage sur Tori,
rendre Tori plus présent pour qu’il évite d’être pris, mais aussi le
mettre dans l’esprit d’une victoire définitive qui lui permettra
d’utiliser les armes à sa disposition.
Pas facile de faire du JJB comme ça |
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